cabanon

Pointe du Château Serein - Saint-Cast-le-Guildo
(18km/+291/-280m)


Après une petite baignade matinale - c'est bien aussi de dormir côté soleil levant - suivie du traditionnel porridge de flocons de sarrasin, nous gambadons sur le joli chemin qui serpente dans la forêt. Un trou dans la haie et le bleu réapparaît.

Aujourd'hui c'est l'anniversaire de Lip, nous pensons tout spécialement à elle. Gratitude qu'elle veille avec soin et enthousiasme sur notre petite maison, sur Fiine et sur le jardin.
Nous n'avons plus du tout d'eau et espérons en trouver dans le prochain hameau qui abrite un hotel-restaurant, à environ 30 min de marche de notre plage. Les maisons de pierre y sont superbes, un peu sévères avec leurs toits en petites ardoises, mais les massifs d'hortensias les égaillent. Les tenanciers sont peu bavards au départ, peut-être absorbés par la multitude de choses à faire : préparer la salle pour le repas de midi, superviser les femmes de ménage qui font les chambres, nettoyer le jardin... Après avoir coupé les fleurs fanées et ramassé les feuilles dans la cour, la patronne prend le temps de nous raconter qu'elle connaît bien le GR34, le parcourant souvent en courant. La saison débute pour eux, ce sera 7j/7 pendant 3 mois, car en septembre il y a beaucoup de randonneurs, de retraités, de familles avec de très jeunes enfants. Elle a arrêté son potager car elle avait trop à faire avec le reste durant l'été. Elle nous quitte pour continuer. Lorsque nous partons toute l'équipe prend un café avec les femmes de ménage en faisant le point sur ce qu'il reste à faire.


Nous avançons vers un nouveau fond de baie, pour y trouver l'incontournable pont qui nous permettra de passer sur l'autre rive. Une végétation encore différente semble épouser les sillons qui se forment sur le sable au fond de la mer. Superbe.

Un panneau émouvant honore la mémoire de plusieurs résistants qui ont vécu ici.

A côté du pont, une ancienne gare - souvenir du train touristique qui amenait les foules vers la côte, entre autres pour assister aux courses de chevaux sur la grève. Deux retraités y exposent leur toiles, membres d'une association qui fait vivre les lieux publics du coin durant tout l'été en y offrant une vitrine aux artistes locaux.

Juste après le pont, nous admirons une petite maison de pierre joliment rénovée. Son propriétaire prend le temps de répondre à nos questions en souriant : oui les tuiles d'ardoise étaient produites en Bretagne, en grandes quantités, mais les carrières se sont taries et elles étaient souvent souterraines, alors maintenant les ardoises viennent d'Espagne, où elles se trouvent à ciel ouvert.


L'autre rive est plus agricole, nous y croisons des vaches noires et blanches qui nous semblent incongrues sur fond d'océan... Un banc au bord du chemin nous offre un picnic tout confort en admirant de loin la baie qui se vide encore.



De belles fermes restaurées avec soin, un charmant hameau intégralement en vieilles pierres avec une jolie chapelle, les restes d'un lavoir... Un panneau décrit comment se déroulait ici 2 fois par an la "buée", grande lessive faite par les lavandières avec les genoux dans une caisse de paille. Là aussi on se sent ancrés dans un passé à la fois solide et rude, où Saint Efficace devait avoir du grain à moudre.






Un beau ciel de traîne dit Hamid. Encore une journée ensoleillée. Par chance la marée est au plus bas, nous passons facilement le ruisseau à gué sur les rochers algués d'un beau vert pétant - ici plus de traces des autres algues vertes productrices de gaz souffré. C'est rassurant, immédiatement et globalement.


Une nouvelle fois nous marchons au fond de la mer. C'est à chaque occasion un moment suspendu où l'on se sent tout petit face à l'immense respiration de l'océan. Un élégant bateau repose sur le sable, maintenu droit par une béquille de chaque côté, semblant attendre patiemment que la mer revienne.



Plein d'autres bipèdes de tous âges envahissent l'estran, ils sont armés de seaux, de râteaux, de petites charrues, d'épuisettes... C'est la pêche à pied. Nous demandons à un petit garçon ce qu'il pense capturer avec son épuisette - il nous répond comme une évidence - des crevettes ! Les râteaux sont pour les palourdes qui se cachent juste sous la surface du sable - mais ce n'est plus comme avant on n'en trouve que difficilement. La petite charrue fixée à un manche de fourche sert à creuser un sillon pour que les lançons s'y glissent. Il faut alors attraper d'un geste leste ces tout petits poissons aussi nommés éperlans, qu'on fera ensuite frire à la maison. Les bigorneaux, mignons escargots pointus, se cachent dans les algues et se cherchent à la main tout simplement. Et les aventuriers peuvent marcher jusqu'aux parcs à huîtres pour peut-être glaner l'une d'elle qui se serait échappée du sac où elles sont élevées - la poche ostreicole. Une belle occupation pour les familles et pour les nombreux grands-parents que nous croisons avec leurs petits-enfants - oui ils sont chez nous pour un mois c'est bien normal les parents travaillent.






Nous nous approchons de la prochaine pointe sans avoir croisé un seul bistrot ou magasin, la soif se fait sentir. Une jolie plage avec un petit parking nous fait regarder vers la terre - des parasols colorés - ô miracle une guinguette ! Nous prenons place sur la petite terrasse du Cabanon. Volupté de la Plancoët fines bulles bien fraîche, dégustée avec 6 huîtres de cette baie, quel bel apéro... La patronne nous explique que le nom a été gardé en mémoire de son père, qui a servi dans la marine nationale et fait la guerre d'Algérie, après laquelle il est revenu un peu désœuvré vivre par ici chez sa maman. Avec l'argent gagné, il a acheté ce terrain, et pour s'occuper y a ouvert un petit dancing - une innovation à la fin des années 60. Un plancher en bois avec une toiture légère, le tout monté sur roulettes, une bonne sono... c'est le succès du Cabanon ! Un client assis sur la terrasse témoigne avec un clin d'œil : ma mère a souvent maudit cet endroit qui me faisait rentrer tard. Ensuite les normes changent et obligent à construire le bâtiment actuel, dont la porte d'entrée donne encore sur une vaste piste de danse au plancher métallisé. La patronne sourit avec nostalgie, elle continue à offrir du son tous les soirs jusqu'à 2h du matin, mais l'âge aidant elle se permet de fermer avant minuit s'il n'y a pas de clients. Petit regret d'être trop peu mobiles pour passer ce soir...
